expos personnelles workshops collectes | Fleurir le silence
Dans ce contexte, l'invitation était d'impliquer les résidents de l'EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgèes dépendantes) au sein d'une création artistique qui aboutirait à une exposition sur place. Cet établissement comprend plusieurs services caractérisés par différents degrés de prise en charge. Le projet a donc pris des dimensions multiples afin de solliciter différemment les facultés des résidents en fonction de leurs capacités physiques et mentales. Une seconde approche a été conçue à destination de résidents atteints de troubles de la mémoire, pour lesquels la notion de transmission semblait plutôt inadéquate. Il s'agissait de les inviter à s'approprier leur portrait photographique en peignant et dessinant dessus. Leur propre image représentant un repère pour eux, permettait de maintenir un sentiment de continuité dans le déroulement du projet. Les participants étaient principalement atteints de la maladie d'Alzheimer. Malgré ou du fait de leurs troubles, ces résidents en secteur fermé se montraient très coopératifs et ouverts, sans les a prioris ou inhibitions qui ont pu freiner de nombreux résidents plus autonomes. Ils manifestaient leur enthousiasme à participer et leur étonnement de redécouvrir à chaque instant ce qu'ils avaient accompli.
Dans un premier temps, les participants à l'atelier de portraits étaient photographiés dans leur chambre, allongés, les yeux fermés. Cette posture particulière d'abandon avait pour objet de les inviter à compléter leur image (absence de regard et de profondeur spatiale). Une fois imprimé, la vision offerte par les portraits pouvait suggérer une représentation de leur mort. Certains ont souhaité lui redonner vie, d'autres plus rares en ont été rebuté, mais la plupart abordaient leur image avec une grande spontanéité, recréant un souvenir correspondant à la situation. Certaines aides-soignantes, en revanche, ont eu des difficultés à accueillir cette évocation de la mort, qu'elles percevaient comme une image négative et choquante.
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sans titre, impression pigmentaire sur papier acrylique et pastel, 30 x 40 cm Les participants sont intervenus sur leur portrait avec de l'acrylique et des pastels. Certains avaient besoin d'être guidés constamment car ils perdaient le fil de ce qu'ils étaient en train de faire, redécouvrant l'image à chaque instant, oubliant ce qu'ils avaient eux-même tracé quelques secondes auparavant. Je leur proposais les outils, les couleurs, les encourageais à s'écouter, à suivre leur impulsion, à poursuivre un geste, à se faire confiance. Parfois même quand la vue faisait défaut, à se fier à la mémoire de leur main : je relisais ce qu'ils avaient écrit, leur confirmais la forme qu'ils avaient tracée. Je les assurais que quoi qu'ils puissent faire, ils faisaient honneur à ma proposition afin qu'ils abandonnent la peur de "gâcher". La superposition de leur image et de leurs interventions graphiques a permis de révéler l'intériorité psychique des participants de cette expérience, ce qui a particulièrement intéressé le Docteur JC Hansen, médecin coordonnateur de l'établissement. Faisant le parallèle avec l'étude des autoportraits d'un artiste ayant développé la maladie d'Alzheimer à la fin de sa vie, il a pu déceler des correspondances avec les caractéristiques des portraits de ses résidents. Cette recherche artistique nous a alors semblé contribuer à l'exploration du vécu lié aux troubles pathologiques que la recherche scientifique tente de mieux cerner. (texte du Dr Hansen) Une difficulté s'est néanmoins présentée à propos du droit à l'image dans ce projet. Certains des participants étaient sous tutelle du fait de l'importance de leurs troubles, et la position du juge des tutelles vis-à-vis de ce type de projet s'est révélée extrêmement fermée : à aucun moment la dimension artistique n'est envisagée comme relevant de la liberté d'expression. Les tutelles ont imposé un interdit catégorique que l'image de ses personnes puissent figurer dans l'oeuvre d'un auteur, et être diffusée à un public. Ce faisant, elles invoquent les principes de "protection" de la vie privée, sans mesurer qu'un manque de discernement de la nature de l'image les conduit à adopter une position discriminatoire vis-à-vis des personnes qu'elles ont à charge.
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