ateliers jeune public
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De la poussière d’étoile
Laëtitia Bourget, 2003
« Tous les soirs, c’est la même histoire.»
Hippolyte NE VEUT PAS SE COUCHER !
Hippolyte VEUT rester avec ses parents.
Il VEUT continuer à jouer, à regarder la télévision, qu’on lui lise encore une histoire, qu’on lui chante encore une chanson, que Papa revienne lui faire un baiser, puis encore Maman …
Et ses parents finissent toujours par en avoir MARRE, MARRE, MARRE !
Ils le laissent tout seul, lumières éteintes, abandonné dans son petit lit.
Ce moment-là justement, Hippolyte le déteste.
Alors il se concentre.
Il ouvre grand ses oreilles et il entend un tiroir, un verre que l’on pose, une porte qui s’ouvre et se ferme, des voix sourdes. Ça le rassure.
Il écarquille les yeux, guette le moindre rai de lumière. Il vérifie que tout est bien à sa place : ses jouets éparpillés sur le sol, le bord de son lit, le bout de ses doigts sur la couverture.
Mais alors si le silence reste silence, et que le noir est total ... la panique l’envahit.
« maman ? MAMAN ? MAAMANNNN, MAAAAAMANNNNNNN… ! »
« Qu’y a t’il mon poussin ? tu ne dors pas encore, tu as fait un cauchemar ? »
« C’est comme si je n’existais pas », répond Hippolyte.
Dans ces moments, la maman d’Hippolyte lui caresse tendrement le front. Elle lui dit d’une voix douce que s’il s’endort, il va lui arriver des aventures extraordinaires, et qu’il n’a pas besoin d’elle ni de son papa pour ça, alors « profites-en mon ange ». S’il veut, il pourra leur raconter au petit déjeuner.
« Il m’arrivera quoi, par exemple ? »
Elle raconte qu’il pourrait bien voyager dans un pays, où les habitants seraient tous plus petits que lui, minuscules, qu’ils seraient effrayés et qu’Hippolyte devrait montrer comme il est gentil pour les rassurer.
Ou encore, traverser des océans de crème onctueuse sur un radeau de pain d’épices parmi les icebergs de chantilly et de myrtilles.
Ou encore, courir plus vite qu’une gazelle dans la savane.
Suivre une souris dans un trou et découvrir un petit monde joyeux, bien organisé au creux des murs de la maison.
S’envoler avec les oiseaux migrateurs, et se reposer sur un nuage.
Traverser la voie lactée dans sa fusée intersidérale.
Découvrir une planète bizarre, toute rose, avec des animaux ronds et poilus qui bondissent dans tous les sens…
Hippolyte se laisse doucement emporter par le sommeil. La voix de sa maman se confond petit à petit avec les songes. Il est loin, très loin maintenant, il a oublié la chambre, le lit, la nuit.
Le matin quand il se réveille, il se sent rempli de tous ses voyages. Au petit déjeuner, il aimerait les raconter à ses parents, mais il ne se souvient plus.
« Ce n’est pas grave, mon ange. C’est ton secret. »
Mais le soir revient, et Hippolyte a toujours peur.
« Tu dois trouver le sommeil tout seul, mon trésor, comme un grand.» lui dit sa maman.
- Mais où est-ce que je le cherche ?»
- À l’intérieur de toi. Bonne nuit. Fais de beaux rêves, mon cœur. »
Ce soir-là, la fenêtre de sa chambre est ouverte.
Hippolyte entend les bruits de la nuit : les grillons, le hibou, une voiture au loin, le bruissement des arbres.
Depuis son lit, il peut voir les étoiles apparaître petit à petit. Il essaie de les compter mais elles se ressemblent tellement qu’il les confond toutes. Il en voit une plus grosse et plus lumineuse que les autres. Elle lui plaît. Il la regarde, la regarde, regarde… la lumière continue de scintiller à travers les paupières closes du petit garçon.
« Fais de beaux rêves, petit homme.
- Mais,… qui a dit ça ? se demande Hippolyte. Il n’y a personne dans ma chambre. Maman ?
- Non, je ne suis pas ta maman. Mais je veille sur toi, moi aussi.
- Qui es-tu ?
- Je suis ton étoile. Je suis très loin dans le ciel, tu ne peux voir que ma lumière. Mais tu peux m’entendre à l’intérieur de toi. »
Hippolyte est très surpris.
« Comment tu me connais ?
- Je sais ce que tu es, ce que tu fais, ce que tu penses, et même ce que tu ne sais pas encore toi-même.
- C’est pas juste ! Je ne sais rien de toi, moi ! Et puis, je ne suis pas une étoile, alors comment tu fais pour me parler !
- Tu n’es pas une étoile, mais tu es fait de poussière d’étoile.»
A ce moment, Hippolyte se sent tout chaud à l’intérieur. Des scintillements parcourent sa peau comme une caresse.
Et l’étoile continue de raconter :
« Nous, les étoiles, vivons très longtemps, presque qu’une éternité. Mais un jour nous arrivons à la fin de notre existence. Notre lumière s’éteint et nous nous dispersons en poussière dans l’univers. Cette poussière des étoiles devient alors toutes sortes de choses : des planètes, des rivières, des arbres, des nuages, et des hommes aussi. »
Hippolyte sourit dans son sommeil.
« Dors en paix, petit homme. Je serai toujours là.»
Le matin, Hippolyte est tout fier de sa rencontre. Au petit déjeuner, Il se demande si ses parents savent eux aussi, qu’ils sont faits de poussière d’étoile.
« Tu as fais de beaux rêves mon petit canard ? lui demande son papa.
- Hum, hum ...
- Alors, qu’est-ce qui s’y passait ?
- Euh, rien… ce serait trop long à raconter.» |
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